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Du lectionnaire au Coran

 

La transition vers l’islam

Le lectionnaire initial a été ainsi transformé pour devenir le livre fondateur. Le processus commença durant le califat d’Othmân, mais sa réalisation s’étala sur un peu plus de deux siècles, pendant lesquels les réécritures du Coran se poursuivirent, ainsi que la destruction des documents discordants et l’exécution des témoins gênants. Les 14 califes Omeyyades firent sans doute l’essentiel, les 10 premiers califes Abbasides complétèrent le travail en détruisant les documents discordants. La qualité de leur travail d’occultation est indiquée par le fait qu’aucun document original datant du premier siècle après la mort de Mahomet n’a subsisté, et presque qu’aucun datant du second siècle.

La destruction des documents originaux relatifs au Coran ait été faite ouvertement par les califes, et relatée dans les documents historiques musulmans : ont été ainsi détruits les toutes premières notes prises par les auditeurs de Mahomet sur des supports de fortune et les notes d’Hafça, une des épouses de Mahomet. Les Corans tenus pour dissidents ont été détruits par Hajjâj en 692, etc. Les notes de Fatima, la fille de Mahomet, ont disparu, ainsi que de nombreux documents cités dans des documents ultérieurs, mais dont on ne retrouve rien.

 

La date du début de travail

Six indices marquent le début de l’islam et du Coran : l’apparition d’un terme arabe à coté du mot araméen pour désigner les compagnons de Mahomet, la fin du travail en commun entre "juifs" et Arabes pour reconstruire le Temple, et la collecte des matériaux du Coran. Il y a en plus les trois indices indiqués par Patricia Crone, page "Quinze ans après la mort de Mahomet", paragraphe "La rupture". Si vous voulez voir cette page, cliquez ici. Ces indices sont la destruction et la reconstruction de mosquées pour changer de qibla, des conflits politiques centrés sur les thèmes du Madhi et de l’imamat, les tentatives pour imposer un texte standard du Coran. Puisqu’à l’époque du premier islam, le Madhi était le Christ, ces conflits politiques concernent le rôle du Christ, et donc l’effacement du souvenir des nazaréens. Le changement de qibla est de même sorte, et également l’imposition d’un texte standard pour le Coran. Les trois premiers indices donnent sensiblement la même date, vers 645 ou 650. Les trois suivants sont un peu postérieurs, et indiquent le développement de l’entreprise de remplacement du nazaréisme par l’islam en création. L’intervalle de temps entre la mort de Mahomet en 634 et la date indiquée par les trois premiers indices, soit 10 à 15 ans, a été le délai nécessaire pour accepter l’évidence : le Christ armé ne viendrait pas.

Harald Motzki et Alfred-louis de Prémare ont étudié les traditions qui attribuent la première collecte à Othmân [1]. Elles n’apparaissent que vers 830, deux siècles après la mort de Mahomet. Leur date tardive les rend pour le moins incertaines, en particulier sur ce qu’a fait exactement Othmân.

 

La date de la fin du travail de confection du Coran

Il semble qu’au cours du huitième siècle, un siècle et quelque après la mort de Mahomet, l’essentiel ait été fait quant aux fondations théologiques. Le parachèvement de ce travail est indiqué par trois faits :

La généralisation de la scriptio plena, vers 850, qui a définitivement fixé le texte du Coran.

Les 100 et quelques versets prononcés par des locuteurs humains ne peuvent avoir été ajoutés que pendant la période ou la thèse du Coran incréé a été interdite, donc après 827.

Enfin c’est sur 200 ans que les documents originaux musulmans ont disparu. Il est cohérent que la destruction des archives ait cessé quand, la confection du Coran étant achevée et la nouvelle théologie étant en place, il n’a plus été nécessaire de cacher les traces du travail de fabrication.

De 850 à jusque vers l’an 1000, pendant encore un siècle et demi, il y eut des procès contre les érudits réfractaires détenant des textes non conformes, puis ces procès sont devenus de plus en plus rares, avec la disparition des derniers documents anciens.

 

Les remaniements identifiés et les autres

Abd al Malik, calife au début du huitième siècle, prétendait avoir lui aussi collecté le Coran : en fait il l’a remanié en y ajoutant de nouveaux versets. Marwân Ibn al Hakam, cousin d’Othmân et gouverneur de Médine sous Muawiyah, entre 660 et 680, s’employait, suivant les uns à collecter, suivant les autres à détruire les textes rassemblés par Hafsa. Il faut peut-être comprendre qu’il faisait les deux.

A première vue, détruire les textes de Mahomet rassemblés par l’une des ses épouses est un acte injustifiable. Cependant, il existait une bonne raison de procéder à cette destruction : il est probable qu’il y avait bon nombre de textes identifiables comme nazaréens dans les documents légués par Mahomet à Hafsa, en particulier la Tora, un des deux textes de référence des nazaréens. Rappelons que Mahomet était [2]

" très bien instruit et à l’aise avec l’histoire de Moïse. "

On composa des Corans concurrents en choisissant parmi les documents disponibles. Ibn Shabba écrit  [3] :

"Par Allah, personne de ce pays (l’Irak) ne veut autre chose que le Coran de ce cheik (Ibn Masûd) et personne des gens du Yémen ne veut autre chose que le Coran de l’autre (al-Achari)."

Le Coran cependant devait être unique, puisqu’il était censé venir directement d’Allah. Il était donc impératif de ramener l’unité. Il fallut des compromis et des adaptations. Les exemples précédents et les indications sur les Corans multiples évoquent une petite partie des remaniements effectivement faits. Bien d’autres ont du avoir été pratiqués, sans laisser de traces identifiables aujourd’hui. Les preuves de remaniements qui subsistent sont celles qui ont échappé à la vigilance des califes, ou à leur pouvoir quand elles étaient trop largement diffusées pour être éliminées.

 

Le jugement d’un philosophe arabe sur le Coran

Al-Kindi [4] vécu de 801 à 873. Son nom fut latinisé en Alcindius, et il est plus connu sous ce nom en Occident. Il fut le premier philosophe arabe, un esprit universel auteur de 241 livres. Son œuvre concerne la géométrie, (32 livres), la philosophie, (22), la médecine, (22), l’astronomie, (16), la physique, (12), l’arithmétique, (11), la logique, (9), la musique, (7), la psychologie, (5) et d’autres sujets encore. Il a vécu à l’époque où les califes et leurs scribes élaboraient le Coran. Bien qu’il n’ait pas eu accès aux documents non musulmans sur Mahomet et les émigrés, voici le jugement qu’il porte [5] :

"Montrez-moi une preuve ou un signe quelconque d’une seule œuvre merveilleuse réalisée par votre maître Mahomet, qui certifie sa mission et prouve qu’il commit ses massacres et ses pillages sur ordre divin... La conclusion de tout ceci (les diverses rédactions du Coran) est évidente à qui a lu ces écrits et a vu comment, dans ce livre, les récits sont assemblés n’importe comment et entremêlés ; c’est une évidence que diverses mains – et nombreuses – s’y sont mises et ont créé des incohérences, ajoutant ou enlevant ce qui leur plaisait ou déplaisait. Est-ce donc les conditions d’une Révélation envoyée du Ciel ?"

 

 

[1] Alfred-Louis de Prémare, Aux origines du Coran, Téraèdre, Paris, 2007

[2] Histoire d’Héraclius par l’évêque Sébéos, op cit.

[3] Ibn Shabba , Tarikh al-Madina al-Munawara, Histoire de Médine, la lumineuse.

[4] Le nom complet est Abu Yusuf Yakub Ibn Ishaq al Sabah al-Kindi

[5] Andrew Rippin, Muslims, vol 1, Londres et New-York, Routledge, 1990

 

La Bible ou le Coran ? La Bible ou le Coran ? La Bible ou le Coran ? La Bible ou le Coran ? La Bible ou le Coran ? 

 

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