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L’obscurité du Coran

Le Coran contient un grand nombre de mots incompréhensibles ou de sens incertain. Au total, environ 20% du Coran est totalement incompréhensible, et 10% obscur ou incertain [1]. Le Coran lui-même prend acte de ses propres difficultés, et déclare que les conjectures interprétatives sont incertaines  [2] :

"Nul autre qu’Allah ne connaît l’interprétation du Livre."

Ces obscurités ne viennent pas seulement de l’absence initiale de signes diacritiques et de voyelles, elles ont aussi une autre source : beaucoup de mots et de tournures grammaticales du Coran sont inconnus de l’arabe classique. Les érudits se sont efforcés de former des conjectures raisonnables. Pour certaines tournures, il y a jusqu’à douze conjectures différentes, dont aucune ne s’impose. Pour justifier ces conjectures, il y a parfois plus de trente propositions d’explications, incompatibles entre elles. La tradition musulmane a fait la plupart du temps un choix parmi les conjectures, pour des motifs de convenance plutôt que de raison. Mais les commentateurs musulmans, débordés par les obscurités incompréhensibles, finissent souvent leurs commentaires par un aveu d’ignorance : wa Allahu a’lam, et Dieu seul sait !

 

La cause de l’obscurité

Les érudits islamiques ont cherché à comprendre l’existence de si nombreuses obscurités irrémédiables. Une des explications est qu’elles viennent du dialecte de La Mecque, aujourd’hui perdu [3]. Une autre explication, aussi officielle que l’oubli du dialecte de la Mecque, est que le Coran a été écrit par Allah dans l’arabe parfait du paradis. Sur terre, les hommes étant par nature imparfaits, parlent un arabe terrestre imparfait. La différence entre l’arabe parfait et l’arabe imparfait explique à la fois que le Coran soit inimitable, et qu’il contienne des mots et des tournures grammaticales incompréhensibles [4].

Pour les érudits modernes, une explication souvent proposée serait que le Coran utilise un arabe archaïque aujourd’hui oublié.

Ces trois explications ont beaucoup en commun :

Toutes donnent acte de ce que les obscurités du Coran viennent d’une langue étrangère présente dans ce livre : c’est une évidence, car 30% des versets du Coran contiennent des mots et des suffixes grammaticaux qui n’appartiennent pas à l’arabe classique [5].

Toutes tentent de concilier cette évidence avec la tradition islamique selon laquelle le Coran est en langue arabe pure. Elles imaginent pour cela que la langue étrangère est une variante de l’arabe, celui de La Mecque, ou du paradis, ou d’avant l’islam.

Dans les trois cas, ces variantes d’arabe sont totalement inconnues : il n’existe pas un seul document, pas une seule tradition orale, ni dans les pays arabophones, ni dans ceux qui les entourent, qui donnent un seul mot de ces hypothétiques variantes. Notamment, les poésies arabes préislamiques ne donnent pas un seul mot ni un seul suffixe grammatical permettant d’éclairer les obscurités du Coran.

Enfin toutes ont encore en commun d’éluder le problème principal : comment la connaissance de cette langue étrangère a-t-elle pu disparaître ? Cette langue était connue des premiers auditeurs du Coran. Comment se serait-elle perdue, alors que le Coran est, depuis l’origine de l’islam, le texte sacré des musulmans ? La transmission de la langue du Coran a été continue, comme pour le latin. Le latin ne s’est pas perdu, bien qu’aucun peuple ne le parle depuis un millénaire et demi, parce que c’est une langue religieuse. Le guèze, l’hébreu, le mandéen, le slavon et bien d’autres langues religieuses ont traversé intactes plus de mille ans de la même manière. La langue du Coran ne peut pas s’être perdue, même partiellement, parce qu’elle a fait l’objet d’un usage religieux depuis l’origine. Qu’un nombre important de mots et de tournures grammaticales soit aujourd’hui incompréhensibles ou incertains est un problème. Vu l’histoire des autres langues religieuses, l’hypothèse de l’oubli ou des turbulences de l’histoire n’a aucune vraisemblance.

Cette connaissance a disparu très tôt, car Tabari ne la possédait pas en 896 quand il s’efforçait de comprendre les obscurités du Coran, ni les grammairiens qui ont ajouté les voyelles peu après 800, ni non plus Hajjâj qui a introduit les signes diacritiques en 694.

 

La situation des langues au Proche Orient au septième siècle

A l’époque de Mahomet, l’arabe n’était pas une langue de culture, ni une langue internationale. Depuis plus de mille ans, dans tout le Proche Orient, la langue de culture était l’araméen. Les relations internationales, en particulier le commerce, se faisaient en araméen, et Mahomet, commerçant, le parlait à ce titre. Les lettrés arabes, peu nombreux, parlaient en arabe et écrivaient en araméen. Ce que l’on appelle aujourd’hui le français peut donner une image de la situation, affaiblie cependant, car le français d’aujourd’hui est une langue de culture et une langue internationale, ce que n’était pas l’arabe de Mahomet. Il faudrait plutôt comparer aux lettrés européens du septième siècle, qui parlaient dans leur langue locale et écrivaient en latin. D’où la présence de mots d’origine latine non seulement dans les langues latines, mais aussi dans les langues gothiques, comme l’allemand ou l’anglais, et même dans les langues slaves. Si l’on perdait le sens de tous les mots d’origine latine, la totalité des textes anglais d’aujourd’hui deviendrait incompréhensible, ainsi qu’une bonne partie de ceux en allemand, et aussi un certain nombre de phrases dans les textes russes. La langue du Coran contient autant d’araméen que l’allemand contient de latin.

Plusieurs érudits se sont rendus compte de la présence de l’araméen dans le Coran. Ainsi, en ne citant que les plus connus, Sigmund Fränkel [6], Theodor Nödelke [7], Alphonse Mingana [8]. Toutefois, dans le cadre de la tradition admise, eux-mêmes et leurs contemporains ont considéré que les aramaïsmes repérés n’avaient pas de signification générale. Cette conclusion est contraire aux faits qu’ils ont eux-mêmes mis en évidence, et compte tenu du rôle de l’araméen à l’époque, contraire à la vraisemblance. La tradition islamique sur le Coran écrit en arabe exerce le même effet d’aveuglement que celui noté par Patricia Crone à propos des traditions sur la Mecque. Pour le détail des arguments de Patricia Crone

 

 

Le Coran modèrne

 

Les méthodes modernes exigent, entre autres approches, de prendre en compte l’étude des langues voisines, dans ce cas le syro-araméen de l’est, le syro-araméen de l’ouest, l’hébreu, et dans une moindre mesure le perse et l’amharique. Par principe, les érudits musulmans s’y refusent, parce que leur théologie exige de rester dans un cadre auto référent, c’est-à-dire limité aux textes musulmans. Dès lors qu’il est établi dans ce cadre restreint, le consensus approximatif actuel des érudits islamiques est scientifiquement irrecevable. Il est pourtant à l’origine des conjectures généralement admises, et du choix des voyelles et des points diacritiques qui cherchent à rendre ces conjectures acceptables. Toutes les traductions aujourd’hui disponibles sont fondées sur ces conjectures.

 

L’élargissement du cadre de référence

Pour un non arabe, il est difficile d’apprendre l’arabe, avec toutes ses subtilités et ses formes anciennes, afin de pouvoir étudier le Coran dans son texte. Apprendre en plus l’araméen, avec toutes sa complexité grammaticale, ses formes archaïques et ses variantes est-syrien et ouest-syrien, est un effort supplémentaire énorme, dont on ne peut savoir à l’avance à quel point il sera utile. C’est la raison pour laquelle l’étude des langues voisines, bien que répandue parmi les exégètes modernes d’autres livres anciens, notamment la Bible, n’avait pas encore été systématiquement appliquée au Coran.

Un linguiste allemand, Christoph Luxenberg [9], a suivi cette voie de façon méthodique, et beaucoup plus complète que ses devanciers. Il en a montré la fécondité : de nombreuses obscurités et non sens du Coran s’éclairent si l’on recherche le sens des mots et des tournures grammaticales non pas dans la langue arabe mais dans l’araméen parlé en Syrie.

Des fragments d’un très ancien Coran ont récemment été retrouvés dans la bibliothèque de Sana, au Yémen. Ils datent de 50 ans après la mort de Mahomet. Ils sont sans points diacritiques ni voyelles. Ils comportent des aramaïsmes massifs, qui ont été ôtés des versions ultérieures [10]. Ceci confirme que le Coran initial a été rédigé sous une forte influence araméenne, et que les aramaïsmes les plus voyants ont été délibérément éliminés. Les mots et les formes incompréhensibles ont été non pas perdus, mais délibérément exclus. C’est la raison pour laquelle la tradition islamique insiste tant sur le fait que le Coran serait en arabe pur : nier la présence des aramaïsmes contribue à occulter les nazaréens, dont la langue sacrée était l’araméen.

Les mots et les formes grammaticales d’une langue passent dans une autre lorsqu’ils désignent des objets ou des idées qu’un peuple emprunte à un autre. Le grand nombre de termes et de formes venus du syro-araméen dans la langue du Coran, alors que ces termes et ces formes sont absents de l’arabe usuel, signifie que les rédacteurs du Coran ont emprunté un grand nombre d’idées et de récits à un système présent chez les Syro-araméens. Les caravaniers et les voyageurs auraient introduit des mots et des formes grammaticales d’origine syro-araméenne dans l’arabe usuel, et non dans le seul Coran.

Yathrib était située vers la limite sud de l’aire linguistique syro-araméenne, mais la Mecque, à trois cent kilomètres plus au sud, se trouvait en dehors. L’origine du Coran se trouve à Yathrib, ou plus au nord, dans le cœur du territoire syro-araméen, et non à la Mecque.

 

Les houris du paradis, récompense des élus

Les versets sur les houris sont particulièrement difficiles à comprendre. Le point de départ des commentateurs musulmans est le sens du mot houri. En arabe, la racine hur signifie blanc. Si l’on prend ce sens, les versets en question sont incompréhensibles [11]. Les commentateurs font dériver houri de la racine perse hur, qui signifie prostituée. Le plus souvent, ces commentateurs ne savent pas que le sens qu’ils retiennent vient du perse. Ils croient qu’il s’agit d’un second sens de la racine arabe. Comme le perse est une langue indoeuropéenne, on trouve la même racine, avec le même sens, dans l’allemand Hure et l’anglais whore. Les houris sont ainsi les filles de plaisir que le paradis musulman met au service sexuel des élus, et cette conjecture sert de fil conducteur pour mettre les signes diacritiques et les voyelles, et pour chercher sur cette base la solution de tous les problèmes de ces versets.

Certains érudits musulmans sont très gênés par l’utilisation d’une racine perse car le Coran est censé écrit en arabe pur, du fait que l’arabe est la langue que parlent Allah et les anges depuis avant la fondation du monde. Cela les conduit à une conjecture qui permet d’éliminer la racine perse : le mot arabe hur, blanc, signifie jeune fille car il faut le comprendre comme une abréviation sous entendant : "jeune fille blanche quant au blanc des yeux." Cette contorsion sémantique montre l’importance qu’il y a à soutenir que le Coran est écrit en arabe pur. Nous en avons vu les raisons, occulter les nazaréens et mettre l’ethnie arabe au premier plan.

Les commentateurs, parmi lesquels le plus respecté par les musulmans est Tabari, ont du déployer des trésors de subtilité et d’imagination pour trouver, dans le cadre qu’ils ont choisi, un sens compréhensible à ces versets, et plus encore pour que le sens proposé soit cohérent d’un verset à l’autre.

Malgré tant d’efforts, le résultat n’est pas particulièrement convaincant : ainsi le Coran déclare que les houris sont "rouges comme le rubis, rouges comme le corail" [12], ce qui n’a aucun sens pour une jeune fille. Elles ont "de gros yeux blancs" [13], ce qui ne signifie rien non plus : on admire les beaux yeux bleus, ou noirs, ou verts d’une jeune fille, mais non ses yeux blancs, qui seraient ceux d’une aveugle. Les commentateurs proposent une conjecture : en parlant d’œil blanc, le Coran signifierait que le blanc de l’œil ferait un beau contraste avec la noirceur de l’iris, bien que l’iris noir ne soit jamais mentionné dans le Coran. Cette conjecture trouve un appui dans un hadith rapporté par Boukhari  [14] :

"Leurs aspect (des houris) étonne le regard, tant sont tranchés le noir et le blanc de leurs yeux."

Certains traducteurs se fondent sur cette conjecture pour traduire "l’œil blanc" du Coran par "œil noir" [15]. Cela ne résout pas le problème, mais le dissimule, au prix d’une falsification : blanc ne signifie pas noir. D’autres traducteurs, également gênés par ces yeux blancs, traduisent grands yeux, en oubliant le blanc [16], ou bien sautent ces mots [17]. Un verset compare les yeux à un œuf blanc [18]. Les commentateurs transportent la comparaison à la houri tout entière plutôt qu’à ses seuls yeux. Le sens est moins choquant, mais exalter la beauté d’une jeune fille en la comparant à un œuf est assez étrange [19].

Les houris sont "gonflées" [20]. Cela signifierait-il qu’elles sont obèses ? Ce serait triste pour les élus. Une conjecture apporte une solution : il faut sous–entendre "gonflées quant au seins", ce qui signifie qu’elles ont de gros seins. Les traducteurs, gênés par cette précision anatomique, traduisent "houri à la poitrine arrondie" [21]. Même cette expression plus décente choque certains. Une nouvelle conjecture vient résoudre la difficulté : comme les adolescentes ont tendance à avoir des seins en pommes, "seins gonflés" signifie "seins d’adolescentes". Sur cette hypothèse, "houri gonflée" est traduit le plus souvent par "houri adolescente" [22].

Christophe Luxenberg a montré que le mot houri du Coran dérive de la racine araméenne hur, qui signifie grappe de raisin [23], ou vin par métonymie. Dans le paradis musulman, c’est le vin, non les filles, qui est "rouge comme le rubis, rouge comme le corail", et les filles n’ont pas de gros yeux blancs, mais les grappes de raisins ont de gros grains blancs. Ce ne sont pas les seins des filles qui sont gonflés, mais les grappes qui sont gonflées de suc. Le vin et la vigne étaient, pour les nazaréens, des symboles de la vie éternelle, d’où leur place éminente dans la description du paradis.

Le détail des arguments de Luxenberg est trop complexe pour être résumé ici. Retenons que sa recherche dans la grammaire et le vocabulaire araméen résout tous les problèmes de ces versets de façon simple, sans avoir à imaginer des interprétations par des allégories, ou par des hypothèses ad hoc sur ce qu’aurait pu être le dialecte de La Mecque ou l’arabe du paradis, ou encore par des explications qui prétendent que blanc signifie noir, ou par des sous entendu qui conduisent à dire que blanc signifie signifie jeune fille et gonflée adolescente.

Reste à savoir pourquoi les commentateurs musulmans ont choisi de partir de la racine perse, et imaginé des arguments très spécieux pour justifier ensuite des interprétations qui puissent être cohérentes avec ce premier choix. Cela donne l’impression qu’ils étaient des obsédés sexuels, préoccupés de ce dont parle le Coran dans leur interprétation, la virginité à répétition des filles du paradis, la taille de leurs seins, leur fidélité à celui des élus auquel elles étaient attribuées, etc, toutes choses fort peu dignes d’un livre sacré. En fait, ce choix était probablement fondé non sur la psychologie des commentateurs, mais sur la volonté d’occulter la présence des nazaréens, de leur langue et de la valeur symbolique qu’ils attachaient au vin et à la vigne. Le plus expédient était d’utiliser la tradition sur la nature du paradis, née parmi les judéo-chrétiens du premier siècle, et largement répandue au Proche Orient, jusqu’à aujourd’hui.

La conception du paradis à l’image des plaisirs de la terre n’a pas de contenu théologique, alors que les symboles du vin et de la vigne chez les nazaréens en ont un, décisif, car l’interdiction du vin sur la terre et sa présence au paradis signifie le rejet de l’Incarnation. Occulter le vin et la vigne du paradis, c’était occulter toute une théologie, alors que mettre en avant un paradis sensuel ne montrait qu’une conception populaire assez plate. C’est pourquoi il était important d’occulter le vin, même au prix d’une sexualisation du paradis, empruntée aux nazaréens certes, mais assez répandue dans cette région pour que l’origine nazaréenne ne soit pas évidente.

Quant à la date, l’interprétation sexuelle des houris est attestée par le hadith rapporté par Boukhari, vers 870, et par le commentaire de Tabari, en 896. Elle a donc été formée avant ces dates, durant la période où le Coran, la doctrine et l’histoire du premier islam étaient en période d’élaboration. Cette interprétation est tardive, presque trois siècles après Mahomet, et ne peut être une simple erreur de grammairien, car elle recourt à trois éléments en apparence indépendants :

 Les points diacritiques et les voyelles, dont l’introduction et la standardisation ont été achevés vers 850.

 Le hadith de Boukhari, daté d’environ 870, qui donne un argument pour dire que blanc signifie noir.

 Les interprétations, fixées en 896, qui utilisent les possibilités mises en place par le choix des diacritiques et des voyelles, et celle fondée sur le hadith de Boukhari.

Ces trois éléments ne peuvent avoir convergé sans un projet et une volonté pour organiser la convergence. C’est une réinterprétation, de même nature et faite à la même époque que celles qui expliquent Médine par Madina ar rasul Allah, Mahomet par homme célèbre, et l’hégire par une fuite de La Mecque. Toutes masquent l’origine nazaréenne.

 

Les traductions

Les musulmans qui contestent les études du Coran faites par des personnes qui, ne parlant pas arabe, lisent le Coran dans une traduction, devraient pour la même raison s’abstenir de parler eux-mêmes du Coran : ils sont incapables de le lire dans le texte original, sans voyelles ni points diacritiques, et sans l’aide des conjectures. L’édition du Coran utilisée aujourd’hui est celle du Caire, publiée en 1926 par l’université Al Azhar. Il a fallu treize siècles pour y arriver. Les 30% du texte incompréhensibles ou incertains sont "interprétés" par des méthodes dont quelques exemples ont été indiqués, "les houris aux yeux noirs", "les houris adolescentes", ou "les jeunes filles blanches quant au blanc des yeux". Les musulmans qui croient lire un texte proclamé par Mahomet lisent en fait une traduction conjecturale en arabe classique. Etant faite dans un cadre auto référent, et dans l’hypothèse d’un original rédigé en arabe pur, elle n’a pas de valeur scientifique.

 

Le mot "Coran"

La thèse califale traditionnelle le fait dériver de la racine qara, qui en arabe signifie, entre autres, lire, réciter ou proclamer, car Mahomet le récitait à ses auditeurs après l’avoir entendu réciter par l’ange Gabriel.

Christoph Luxenberg a étudié les vocalisations les plus anciennes de ce mot [24]. Elles montrent que Coran ne peut en aucun cas dériver de la racine arabe qara, mais qu’il vient de l’araméen qeryân qui signifie lectionnaire, une collection d’extraits de livres sacrés, faite pour un usage liturgique. Avant d’être définitivement démontrée par Luxenberg, cette origine avait été envisagée par Nödelke, et ses arguments avaient si bien convaincu que l’encyclopédie du Coran, dans son article Kûran, considère que l’origine de Coran se trouve dans le syro-araméen Keryâna (une autre orthographe de qeryân), qui signifie "Lecture des Ecritures, employée dans la liturgie." L’étymologie arabe qara est une réinterprétation tardive, de même nature que les précédentes.

L’origine araméenne qeryân montre que l’histoire officielle du Coran est nécessairement inexacte. D’abord en raison du contenu : le Coran contient des préceptes juridiques, tels ceux qui enjoignent de couper la main des voleurs, de tuer les femmes adultères et les musulmans qui ne croient plus à l’islam, d’humilier les non musulmans vivants dans le Dâr al islam ; il indique la manière de partager le résultat des pillages, il exhorte, polémique, incite à la guerre etc. C‘est beaucoup plus qu’un lectionnaire. Ensuite en raison de sa date : l’histoire officielle indique que la collecte a été faite quinze ans environ après la mort de Mahomet. Puisque le mot Coran vient de l’araméen, il a été formé plus tôt, quand l’araméen n’était pas encore occulté.

 

La mère du livre

Plusieurs versets du Coran disent qu’il reproduit un original qu’en son langage fleuri l’arabe archaïque appelle "la mère du livre" [25]. Pour les érudits musulmans actuels, cet original est l’exemplaire initial, rédigé par Allah, avant la fondation du monde, sur une table gardée au paradis. Or cette thèse, celle du Coran incréé, a été proposée après l’an 800, et ne s’est répandue parmi les érudits qu’une cinquantaine d’années plus tard, et dans l’ensemble du Dâr al islam que vers 920 [26]. Par contre, les versets qui la mentionnent contiennent des mots d’origine araméenne caractérisée [27], et datent donc de l’époque ou les nazaréens n’étaient pas occultés, avant 645 : un texte écrit avant 645 ne peut faire allusion à une thèse apparue 150 ans plus tard, et généralisée près de 300 ans plus tard : l’expression "la mère du livre" ne désigne certainement pas l’original d’Allah.

 

Le livre clair et les versets ambigus

Neuf versets du Coran déclarent qu’il est un livre clair [28]. Cela n’empêche pas un dixième verset de dire que le Coran contient des versets ambigus. Voici deux traductions du verset en question, par deux des plus grands érudits de l’islam. Denise Masson traduit ainsi :

"C’est lui qui a fait descendre sur toi le livre. On y trouve des versets clairs – la Mère du Livre – et d’autres ambigus. "

Voici la traduction de Régis Blachère :

"C’est lui qui a fait descendre sur toi l’Ecriture. En celle-ci sont des aya confirmés, qui sont l’essence de l’Ecriture, tandis que d’autres sont équivoques."

Ces deux traductions, conformément à la tradition califale, sont fondées exclusivement sur des textes arabes. En utilisant les racines araméennes, Christoph Luxenberg traduit autrement :

"Ceci est le livre qui a été envoyé sur toi. Une partie est formée de versets précis, qui sont identiques au livre d’origine, une autre partie est de sens comparable."

La traduction de Luxenberg lève la contradiction. Il n’est plus question d’un livre clair contenant des versets obscurs, mais d’un lectionnaire formé d’une part de citations directes, d’autre part de paraphrases. Et, de fait, dans le Coran actuel, 90% des matériaux issus de la Tora ou de l’Evangile sont des paraphrases, et non des citations précises. Ceci montre que "la mère du livre" n’est pas l’original d’Allah, ce qui est chronologiquement impossible, mais la Tora et l’Evangile, d’où les nazaréens avaient tiré des citations et des paraphrases pour former un lectionnaire à l’usage des convertis arabes.

 

La traduction

Un autre verset encore [29] indique que le Coran initial était un lectionnaire formé par traduction à partir d’un livre sacré. Voici la traduction de Denise Masson :

"Voici un livre dont les versets ont été clairement exposés. Un Coran arabe destiné à un peuple qui comprend."

Et celle de Régis Blachère :

"Une Ecriture dont les aya ont été rendus intelligibles dans une révélation arabe."

En utilisant les racines araméennes, Christoph Luxenberg traduit ainsi :

"Un livre, que nous avons traduit en lectionnaire arabe."

Le livre origine est le même que dans la citation précédente, c’est l’ensemble de la Tora et de l’Evangile. Ce que le Coran nomme la "mère du livre", c’est la Tora et l’Evangile des Hébreux.

 

La date de confection du premier lectionnaire

D’après les traditions musulmanes, c’est Othmân, qui, vers 650, a commencé à former le Coran assemblant les notes de fortunes prises par des auditeurs de Mahomet. Le premier lectionnaire a du être fait bien plus tôt :

Il était nécessaire pour les célébrations liturgiques des fidèles de Mahomet.

Le grand nombre des racines araméennes dans le texte coranique, jusqu’au mot de "Coran", montre que le lectionnaire a été fait à une époque où la présence des nazaréens ne soulevait pas d’objections.

Waraka était le principal traducteur des textes nazaréens en arabe, et Mahomet se fondait sur ces traductions, puisque sa proclamation s’est arrêtée à la mort de Waraka. On peut présumer que le lectionnaire a été formé par des traductions ou des paraphrases dues à Waraka. Or Waraka est mort avant Mahomet.

Ce premier lectionnaire, portant le nom de "Coran", a donc été formé du vivant de Mahomet, probablement entre 620 et 630. Ensuite, après la mort de Mahomet, quand les mahgrâyês ont voulu effacer le souvenir de leurs initiateurs et dans ce but former un livre sacré arabe, ils ont pris pour base le lectionnaire existant et lui ont adjoint les discours de Mahomet, incitant à la guerre, polémiquant, ou exhortant, puis au fil du temps, bien d’autre éléments.

D’après le nombre des versets du Coran issus de la Bible, le lectionnaire initial avait un volume d’environ un quart du Coran actuel.

 

 

 

 

 

 

[1] Ces chiffres sont ceux de Rainer Nabielek, spécialiste de l’islam, Professeur à l’Université de Berlin, dans. Die Luxenberg Debatte :Standpunkt and Hintergründe, Schiller, Berlin, 2007.

[2] Sourate 3, verset 7.

[3] Tabari, Commentaire du Coran, commentaire de la sourate 14, verset 4.

[4] Cette tradition se fonde sur la sourate 2, verset 23, la sourate 10, verset 38, et la sourate 11, verset 13.

[5] Ce chiffre est indiqué par Christoph Luxenberg dans Streit um den Koran, opus cit.

[6] Sigmund Fraenkel, Die aramaïschen Fremwôrter im Arabische, Leiden, 1886, réimprimé en à Hidelstein, en 1982.

[7] Teodor Nödelke, Zur Sprache des Qorans, in : Neue Beitrage sur semitischen Sprachwissenchaft, Strasbourg, 1910.

[8] Alphonse Mingana, Syriac influence on the style of the Ku’ran, in Bulletin of John Ryllands Library, Manchester, 1927

[9] Christoph Luxenberg, opus cit.

[10] H.-C. Graf von Bothner, K.-H. Ohlig, et G.-R. Puin, Neue Wege der Koranforschung, Université de Saarlan, Heft 1, 1999.

[11] Une tentative pour attribuer au mot hur dans le Coran le sens jeune fille imagine que hur, blanc, serait une abréviation qui sous entendrait "jeune fille blanche quant au blanc des yeux. " Ces commentateurs trouveraient naturel que dans le Coran " poilu" signifie jeune fille car ce serait une abréviation de "jeune fille poilue quant au cuir chevelu", ou encore "cornu" pourrait signifier jeune fille, ce mot étant tenu pour une abréviation sous entendant "jeune fille aux ongles formés de corne".

[12] Sourate 55, verset 58.

[13] Sourate 37, verset 48. Sourate 44, verset 54. Sourate 52, verset 20. Sourate 55, verset 72. Sourate 56, verset 22.

[14] Boukhari, opus cit. Livre 56, Djihad, chapitre 6.

[15] C’est le cas de M. Kasimirski,

[16] C’est le cas de Régis Blachère et de Denise Masson.

[17] Denise Masson, dans sa traduction de la sourate 55, verset 72.

[18] Sourate 37, verset 48.

[19] Certains commentateurs disent qu’il faut entendre perle plutôt qu’œuf. Tabari, le plus respecté des commentateurs, affirme que le sens à retenir est "œuf".

[20] Sourate 78, verset 33.

[21] Kasimirski est un exemple de l’usage de cette conjecture.

[22] Denise Masson se rallie à cette interprétation.

[23] Christoph Luxenberg, Die Syro-Aramäische Lesart des Koran. Ein Beitrag zur Entschlüsselung der Koran Sprache. Hans Schiler Verlag, Das Arabische Buch, Berlin, 2006.

[24] Christoph Luxenberg, opus cit.

[25] Sourate 3, verset 7. Sourate 13, verset 39. Sourate 43, verset 4.

[26] Cette thèse est attribuée à Ibn Hanbal, qui vécu de 780 à 855. Elle n’a pu être proposée au plus tôt qu’en 805 environ, quand Ibn Hanbal a eu un prestige suffisant. De 813 à 847, les Mutazilites, protégés par les califes, diffusèrent la thèse contraire. En 827, devenus puissants, ils firent interdire la thèse du Coran incréé. En 847, les mutazilites furent massacrés, et les thèses d’Ibn Hanbal reprirent droit de cité. C’est donc après 847 que la thèse du Coran incréé pu se répandre. Elle a été généralisée vers 950, largement sous l’influence d’Abu Hassan Ali al Achari, qui vécut de 880 environ à 935.

[27] Christoph Luxenberg, opus cit.

[28] Sourate 5, verset 15. Sourate 12, verset 1. Sourate 15, verset 1. Sourate 26, verset 2. Sourate 27, verset 1. Sourate 28, verset 2. Sourate 36, verset 69. Sourate 43, verset 2. Sourate 44, verset 2.

[29] Sourate 43, verset 3.

 

 

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