
La Bible ou Le Coran ?
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La tribu de Mahomet : les Qoreychites
Le milieu humain
Il est intéressant, pour comprendre le rôle des Qoreychites et la manière dont l’empire musulman s’est formé, d’avoir une idée des peuples qui environnaient l’islam naissant. Le cœur est formé de sémites, un groupe humain complexe, que l’on peut aborder par les langues, car celles-ci gardent la trace des ethnies d’origine. Les implantations sont indiquées à partir des pays d’aujourd’hui, ce qui permet une formulation simple, quoique approximative. Cela suffit pour donner une idée de la géographie humaine à l’époque de l’islam naissant.
Les locuteurs sémites formaient quatre branches, appelées nord, est, ouest et sud. Le sémitique nord est formé de groupes déjà éteints ou résiduels à l’époque de Mahomet, et le sémitique sud se trouve dans la corne de l’Afrique, Ethiopie et Erythrée, sans intérêt pour les débuts des invasions islamiques.
Les ethnies parlant le sémitique est se trouvaient sur le territoire de l’Irak actuel. Elles étaient différentes des Arabes, et descendaient des Babyloniens et des Assyriens.
Le sémitique ouest est formé de trois branches principales : la première est le cananéen, une ethnie également différente de l’ethnie arabe. L’ethnie cananéenne était formée des Hébreux qui occupaient principalement ce qui est aujourd’hui Israël, et des Phéniciens, dans le Liban d’aujourd’hui ; la seconde branche, l’araméenne, elle aussi une ethnie non arabe, dont les membres peuplaient ce qui est aujourd’hui la Jordanie, la Syrie et une partie de l’Irak ; la troisième branche est l’ethnie arabe, avec un rameau nord, dont la principale langue subsistante est l’arabe littéraire, et un rameau sud, parlant le sudarabique, établi sur le Yémen et l’Hadramaout. Les ethnies parlant l’arabe du nord étaient formées d’une vingtaine de tribus, appelées Arabes de Mudar, la plupart du temps nomades, qui se déplaçaient dans ce qui est aujourd’hui Israël, le Liban, la Jordanie, la Syrie, et l’Irak. Numériquement, les tribus les plus importantes étaient les Ghassâns, à l’ouest, et le Lakhm, à l’Est, puis les Qoreychites, la tribu de Mahomet. Il y avait également quelques sédentaires dans les oasis du Hedjaz. La limite sud de ce peuplement se situait aux alentour de Médine. Les Arabes du sud, nommés Arabes de Himyar, parlaient un groupe de langues différentes de celles des Arabes du Nord. Ces langues portent le nom de sud-arabique.
Les Arabes du nord nomadisaient dans l’empire byzantin quand ils habitaient à l’ouest, et dans l’empire perse quand ils habitaient à l’est. Ils vivaient au contact de peuples parmi les plus civilisés du monde à l’époque de la naissance de l’islam, des peuples à l’époque non arabes.
L’Egypte était peuplée des descendants des Egyptiens anciens, qui n’étaient ni arabes, ni même sémites, et l’Afrique du nord était peuplée de Berbères, qui n’étaient, eux non plus, ni arabes, ni sémites.
Au-delà, l’islam s’est implanté en Espagne, peuplée de celtes-ibères, en Turquie, peuplée à l’époque de Grecs, d’Arméniens, de descendants des Hittites et de Kurdes, et en Perse, tous membres de la famille indo-européenne, très éloignés non seulement des Arabes, mais aussi des Berbères et des Egyptiens anciens.
Les Qoreychites dans la tradition islamique
Les sources, aussi bien les musulmanes que les non musulmanes, indiquent que le clan des Qoreychites a joué un rôle fondamental dans la vie de Mahomet. Pour comprendre le cadre dans lequel Mahomet a agit, il faut savoir ce qu’était ce clan, ce qu’il a fait, où il habitait.
Selon l’histoire califale, le clan des Qoreychites était basé à la Mecque et Mahomet en faisait partie. Ce clan vivait de commerce, la plupart des Qoreychites se sont violemment opposés à Mahomet, puis l’ont rejoint quand son succès s’est affirmé.
Les sources musulmanes donnent des indications qui, sans être frontalement opposées à l’histoire califale, ne tendent pourtant pas à la confirmer. Ainsi, Hâchim, l’arrière grand-père de Mahomet, était un commerçant qui exerçait à Gaza, où il possédait des terres. Il y mourut et y fut enterré. Ses descendants conservèrent son héritage, qui revint finalement à Mahomet [1]. S’il était mecquois, il peut sans doute avoir émigré à Gaza, mais il est incompréhensible que ses descendants mecquois aient conservé des terres aussi lointaines.
Mahomet possédait des terres à Hébron, en Palestine [2]. Certaines traditions issues de l’histoire califale s’efforcent d’expliquer ce fait en supposant que ces terres auraient été la part de pillage que Mahomet se serait réservée sur les territoires qui seraient conquis plus tard par les armées musulmanes. D’autres traditions disent qu’il les aurait acquises grâce à ses bénéfices commerciaux. Tout cela est possible, mais il est incompréhensible d’acheter des terres à 1.300 kilomètres de son domicile. Il lui aurait fallu plus d’un mois pour aller en percevoir les fermages, autant pour en revenir.
D’autres traditions présentent ces terres comme un héritage de son arrière grand-père Hâchim. Elles sont plus vraisemblables, puisque Hâchim vivait à Gaza.
Plusieurs compagnons de Mahomet possédaient des terres en Palestine avant l’islam. Abû Sufyân, un Qoreychite, fut, d’après l’histoire califale, le chef de la résistance mecquoise contre Mahomet, avant de se rallier à l’islam. Son fils Muâwiya devint calife, et fonda la dynastie omeyade. Voici ce qu’en dit Balâdhuri, un des plus importants historiens arabes, qui vivait au neuvième siècle à la cour de Bagdad [3] :
"Abû Sufyân, à l’époque de son commerce dans le Sham, durant la jâhiliyya, avait dans la Balqâ un domaine foncier qui s’appelait Biqinnis, et dont héritèrent Muâwiyah et ses descendants."
Le Sham couvrait à l’époque la Palestine, la Jordanie et la Syrie. La jâhiliyya est la période préislamique. La région de la Balqâ est la plaine à l’est de la mer Morte. La même question se pose. Il est incompréhensible de posséder une propriété que l’on ne pouvait visiter qu’en consacrant plus de deux mois au trajet aller-retour. Et l’une des diverses explications proposées pour Mahomet, une part de pillage islamique réservée à l’avance, ne peut être reçue pour Abû Sufyân, car, avant l’islam, il n’y avait pas de pillages islamiques.
Au début de l’islam, Zubayrî atteste qu’un certain nombre de Qoreychites vivaient en Palestine, comme Hâchim, l’arrière grand-père de Mahomet [4]. Une tribu coupée en deux par 1.300 kilomètres aurait eu du mal à conserver son unité. Comme l’unité a été conservée, on peut présumer que les divers membres vivaient proches les uns des autres. Reste à savoir s’ils vivaient tous en Palestine, ou tous à La Mecque. Les attestations musulmanes de Qoreychites vivant en Palestine et en Syrie sont recoupées par des informations non musulmanes et par les études toponymiques. De ce fait l’hypothèse de la vie en Syrie et en Palestine, que nous analyserons plus loin, est plus fiable que les sources califales qui indiquent La Mecque.
Ainsi, d’après les sources musulmanes elles-mêmes, sans divergences sur cela, des Qoreychites habitant La Mecque ont eu leurs commerces et leurs propriétés agricoles en Syrie et en Palestine, fort loin de leur domicile. La domiciliation mecquoise n’est guère plausible.
Le commerce des Qoreychites
Les seuls lieux mentionnés avec précision par les sources islamiques sont la Syrie et la Palestine.
Les lieux mentionnés par les sources non islamiques sont exclusivement la Syrie et la Palestine.
Les marchandises indiquées, de faible valeur par rapport à leur poids, sont typiques d’un commerce local entre pasteurs et agriculteurs.
Ce commerce ne pouvait se produire que dans une région pourvue à la fois de pasteurs et d’agriculteurs, ce qui exclut La Mecque, située au milieu d’une vaste région désertique où il n’y a ni pasteurs ni agriculteurs.
Le commerce international allégué n’a laissé que des traces contradictoires dans les traditions musulmanes, et aucune trace dans les documents des peuples avec lesquels ils étaient censés commercer. Les agents de ce commerce local avaient peu de chance d’habiter à 1.300 kilomètres au sud de leur lieu de travail.
Les Qoreychites sont dits par la tradition califale avoir été les habitants de La Mecque. Il est plus probable qu’ils résidaient en Syrie.
Les textes disponibles contiennent les mêmes informations concernant le commerce personnel de Mahomet, ce qui conduit aux mêmes conclusions sur le lieu de résidence de ce dernier.
La Mecque et la Mer Morte
Le Coran dit que les Qoreychites, lors de leurs voyages, passaient matin et soir devant les cendres de Loth et de sa famille, c’est-à-dire au sud de la Mer Morte [5]. C’est incompréhensible s’ils habitaient la Mecque du Hedjaz, à 1.100 kilomètres de la Mer Morte, mais c’est possible s’ils habitaient là où ils avaient leur propriétés agricoles et leur commerce, en Syrie et en Palestine.
La toponymie qoreychite
Edouard-Marie Gallez a étudié, dans le Proche Orient et la péninsule arabique, les noms de lieux qui indiquent la présence ancienne de Qoreychites [6].
Le Han al-Quraysîy est une bourgade dont le nom signifie le "lieu des Qoreychites", et les habitants de cette bourgade se nommaient les banou el-Quorashi, "la tribu des Qoreychites" [7]. Elle se trouve en Syrie, près de la mer, à dix kilomètres au sud de la frontière turque actuelle. Si l’on tient l’identité des noms pour une coïncidence, elle est improbable, car ce lieu est voisin des localités où commerçaient les Qoreychites de l’islam initial, et où ils possédaient des propriétés agricoles.
La toponymie nazaréenne
La toponymie qui concerne les nazaréens a été étudiée par Edouard-Marie Gallez [8]. Elle indique trois zones peuplées de nazaréens :
La première est située autour d’Alep, dans le nord-ouest de la Syrie. On y trouve le village d’Ansari, vu dans la page "La théologie nazaréenne", dans le paragraphe "Les nazaréens et les ansars".
Près d’Alep se trouve également le village de Qinnasrîn, le "nid des nazaréens". Il est remarquable que Sâlih, l’un des prophètes arabes que le Coran désigne comme prédécesseur de Mahomet, ait été originaire, ait vécu et soit enterré à Qinnasrîn [9]. Cela implique que ce prédécesseur de Mahomet était nazaréen.
La seconde, une chaîne montagneuse nommée les monts des Nosaïris, se trouve le long du fleuve Oronte, dans l’est de la Syrie, entre le fleuve et la mer. On y trouve aussi le village de Nasiriyé.
La troisième zone couvre le nord d’Israël et le sud de Liban. S’y trouvent le village de Nazareth, un village nommé Ansariyè et un Abil el-Qamh, que la tradition indique comme étant un nouveau nom de l’Abil Bet Ma’aqa biblique, un nom donné aussi à un cours d’eau de la région de l’Oronte, 180 kilomètres au nord.
Ainsi, si l’on se fonde sur la toponymie de Syrie et de Palestine et sur l’onomastique des épigraphies du Néguev, les nazaréens vivaient dans ces régions. Les Qoreychites et les nazaréens étaient ainsi voisins, ce qui explique que les seconds aient pu convertir les premiers.
Les musulmans avant l’islam : les nazaréens sont des proto musulmans
Des traditions musulmanes [10] disent que, lors de la conquête islamique, certaines populations de la région syrienne n’ont pas eu besoin de se convertir à l’islam parce qu’elles étaient déjà musulmanes. Dans le cadre de l’histoire califale, il est impossible qu’elles aient été musulmanes avant que Mahomet n’ait commencé son action et que l’islam ne leur soit présenté.
Les trois zones peuplées de nazaréens étaient en Syrie et les convertis Qoreychites au nazaréisme habitaient en Palestine, là où les principaux chefs Qoreychites possédaient des propriétés agricoles. Les populations "déjà musulmanes" étaient les nazaréens. Cela signifie que les Qoreychites qui ont émigrés à Yathrib ne provenaient pas de la Mecque, mais de ces régions, et que leur religion n’était pas l’islam, mais le nazaréisme. Les nombreux matériaux nazaréens présents dans l’islam, appuient cette conclusion.
Un raid significatif
Un siècle et demi avant l’islam, c’est-à-dire environ six générations plus tôt, les Qoreychites n’habitaient nullement la Mecque, comme le dit l’histoire califale, mais au voisinage de la frontière actuelle entre Irak et Syrie. Alphonse Mingana cite Narsaï, un écrivain Syrien [11] :
"Le raid des fils d’Hagar fut plus cruel même que la famine…Déplorons la tendance infecte des fils d’Hagar, et en particulier de la tribu de Qurays qui sont comme des animaux."
Le raid de pillage dont il s’agit fut effectué dans le nord ouest de l’Irak actuel, près de la frontière syrienne. Le Han al-Quraysîy indiqué par la toponymie est situé à 400 kilomètres du lieu indiqué par Narsaï, et l’intervalle entre les deux est une région fertile et peuplée. Un raid de l’un à l’autre n’offre pas de difficulté. Par contre, La Mecque est situé à 1 400 kilomètres du lieu indiqué par Narsaï, et, sur plus de 1 000 kilomètres, l’intervalle entre les deux est une région désertique. Un raid de cette sorte offre de telles difficultés qu’il n’est guère vraisemblable. En 470, les Qoreychites n’habitaient pas La Mecque.
Ils ont certes pu migrer ensuite, mais leur destination de migration ne pouvait être qu’une région pourvue à la fois de cités où exercer leur habitude de pillage, et de pasteurs et d’agriculteurs pour leur commerce. La région de La Mecque n’offre ni cités, ni pasteurs, ni agriculteurs. Il n’y a pas de vraisemblance à une émigration qoreychite à La Mecque.
Narsaï dit de plus que les Qoreychites étaient des "fils d’Hagar". C’est là une indication religieuse, et non ethnique : cette dernière aurait été "fils d’Ismaël", ou "Ismaélites". D’après les travaux de Patricia Crone et Micaël Cook [12] les fils d’Hagar sont ou des nazaréens, ou des judéo-chrétiens très proche des nazaréens. D’après Jean de Damas, les fils d’Hagar étaient si proches des musulmans que, en 744, un siècle après la mort de Mahomet, fils d’Hagar, ou Hagarène était l’un des noms portés par les musulmans [13]. Il est vraisemblable que ces Qoreychites fils d’Hagar sont les populations de Syrie "déjà musulmanes".
Une conjecture
Edouard Marie Gallez observe que ces qoreychites se trouvaient dans le royaume ghassânide, peuplé d’Arabes devenus chrétiens et alliés plus ou moins fidèles de Byzance. Il existait chez les Ghassâns des paroisses mobiles, les paremboles, c’est-à-dire les paroisses des tentes. Une fois par an, les nomades se rassemblaient en un grand camp, ou des prêtres chrétiens venaient célébrer des messes, prêcher et enseigner. La christianisation était assez superficielle, mais a introduit dans leurs esprits l’idée que le Christ était le Messie. Ensuite, chez les nazaréens au contact desquels ils se trouvaient par leur commerce, ces chrétiens de fraîche date ont trouvé à la fois une idéologie guerrière qui convenait à leur culture et à leurs traditions, et une théologie fondée sur le Christ, qui les gardaient en terrain connu. Il est envisageable qu’ils soient passés d’un christianisme de surface au nazaréisme.
L’opposition des Qoreychites à l’islam naissant
Elle est traditionnelle dans l’histoire califale, mais peu vraisemblable : presque tous les chefs et les plus célèbres généraux de l’islam naissant ont été des Qoreychites, tels Abu Sufyân, son fils Yazîd, Khalid ibn al-Walid ou Amr ibn al-As. Même Abu Sufyân, un homme supposé avoir été un opposant radical, a été non seulement un général, mais aussi un dirigeant d’un prestige tel que son fils est devenu calife. Cette domination quasi exclusive de l’islam initial par les Qoreychites les désigne comme des pères fondateurs plutôt que comme des ennemis. De plus, la charte de Médine ne les mentionne pas comme ennemis dans la version d’Abû Ubayd, et une seule fois dans celle d’Ibn Hichâm [14], peu sûre car rédigée sur l’ordre et sous le contrôle califal, plus de 200 ans après les faits. Si les Qoreychites avaient été les ennemis acharnés que décrit l’histoire califale, ils devraient être souvent mentionnés dans un document qui organise la défense.
Il est remarquable qu’Ibn Ishaq, dont l’ouvrage perdu a servi de matériau à la biographie rédigée par Ibn Hichâm, dit, d’après une citation de cet ouvrage [15], citation qui a survécu à la perte de l’ouvrage dont elle était issue, que les Qoreychites furent parmi les premiers à suivre Mahomet.
L’analyse des documents disponibles, les non musulmans comme les traditions musulmanes sans discordances, conduit à penser que les Qoreychites habitaient la Syrie et la Palestine, et non La Mecque, et qu’ils furent dès le début les plus fermes soutiens de Mahomet, et non ses adversaires.
[1] Ibn Hichâm, Sira. Ibn Sa’d Tabaqât.
[2] Ibn Sa’d, Tabaqât.
[3] Balâdhuri, Futûh, Conquête des pays.
[4] Balâdhuri, Futûh, Conquête des pays.
[5] Sourate 37, versets 133 à 138.
[6] Edouard-Marie Gallez, ouvrage cite.
[7] René Dussaud, Topographie de la Syrie Antique et Médiévale, Paris, Geuthner, 1927.
[8] Ibid
[9] Yâqût, Buldân, IV, "Qinnasrîn".
[10] Youssuf Dorra-Haddad, Coran, prédication nazaréenne, in Proche-Orient Chrétien, N° 23, Jérusalem, 1973.
[11] Alphonse Mingana, Leaves from three Ancient Kur’âns possibly pre-othmânic, Cambridge University Presss, 1914.
[12] Patricia Crone et Michael Cook, opus cit.
[13] Jean Damascène, opus cit.
[14] D’après Afred-Louis de Prémare, opus cit. c’est une interpolation.
[15] Ibn Khaldum, Prolégomènes.
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