
La Bible ou Le Coran ?
لا الكتاب المقدس أوو لو القرآن؟
Qui est le dernier prophète ? Jésus ou Mohammed ? من هو آخر نبي؟ يسوع أو محمد؟
Les mahgrâyês
Mahomet n’était pas musulman, car le mot de musulman, comme celui d’islam, apparaît pour la première fois dans l’empire islamique en 691, soixante ans après la mort de Mahomet, et il a mis si longtemps à s’imposer qu’il n’apparaît dans les documents non musulmans que 150 ans après la mort du fondateur. Ses adeptes, pendant la vie de Mahomet et au moins les dix ans qui ont suivi la mort de leur chef, ont porté le nom de mahgrâyês, un mot qui appartient à la langue syriaque, et qui signifie les émigrés. Son usage a été exclusif au moins jusqu’en 644. Ce terme est attesté dès 640 en syriaque, et en 642 en grec sous la forme magaritai, dérivée du syriaque [1].
Jean d’Edesse a écrit une lettre à Jean le Stylite dans laquelle il donne aux musulmans leur premier nom, mahgrâyê [2] :
"Les mahgrâyê confessent tous fermement qu’il (Jésus) est le vrai Messie qui devait venir, et qui fut prédit par les prophètes. Sur ce point il n’y a pas de dispute avec nous (les chrétiens)."
Un fragment de texte syriaque, daté de 682, indique [3] :
"Ce livre… a été achevé en l’an 993 des Grecs, qui correspond à l’an 63 des mahgrâyê."
Le syriaque était alors une langue liturgique, et dans cette langue, l’Exode est celui de Moïse conduisant les Hébreux hors d’Egypte. Cet exode fut suivi de la conquête de Canaan. Cela montre que pour les compagnons de Mahomet, l’Exode dont ils avaient tiré leur nom était celui de Moïse, préfigurant celui des nazaréens à Yathrib. A cette époque, les compagnons de Mahomet étaient des nazaréens. L’islam n’existait pas encore.
L’explication califale du nom de Médine
La ville de naissance de Mahomet, Yathrib, devint Médine. Le document musulman le plus ancien est la charte de Médine. Il a été rédigé en 622, l’année de l’hégire, il organise l’entraide mutuelle entre les fidèles de Mahomet, et donne à ce dernier un pourvoir d’arbitrage important. Le terme Mdyn, les consonnes qui signifient Médine, n’apparaissent dans la charte de Médine qu’à la fin du texte. Cette mention est un ajout tardif, qui d’ailleurs ne figure pas dans la version d’Abû Ubayd, plus ancienne et donc plus sûre. A cette date, Yathrib n’était pas encore Médine.
La date à laquelle Yathrib fut renommée Médine est mal connue. Les textes musulmans disent peu d’années après 622, sans en préciser le nombre exact. Le Coran mentionne deux fois Médine [4], dans des versets où l’exégèse moderne de repère pas de modification. Ces versets remontent donc à la collecte d’Othmân, vers 645.
La Chronique du Khûrzistân, un document non musulman, indique qu’en 660 la ville s’appelait Médine depuis un certain temps.
Ces différents documents font penser que le nom de Médine a du apparaître entre 625 et 630, et peut être dès 622 ou 623 si l’on en croit les textes musulmans, sans divergences sur ce point.
Selon l’histoire califale Médine serait l’abréviation d’al-Madina ar-rasul Allah, la ville du messager d’Allah, ou de al-Madina an-nabi, la ville du Prophète. Ces étymologies sont des plus douteuses car elles n’apparaissent que vers 820, deux siècles après les faits, sauf dans le traité d’arbitrage entre Ali et Muawiyah, qui a subi des corrections ultérieures, après la défaite d’Ali, et qui, donc, n’est pas fiable.
Cette explication n’est pas satisfaisante pour une autre raison : le terme mdyn, à l’époque, signifiait région habitée et non ville, qui se disait qura. Le sens bourgade est apparu deux siècles plus tard, précisément en raison de l’interprétation du nom Médine par "ville du messager d’Allah", "ou ville du prophète".
L’explication califale n’est pas satisfaisante pour une autre raison encore, la date à laquelle le nom de Médine apparaît pour la première fois. A cette époque, les adeptes de Mahomet utilisaient le syriaque comme langue sacrée : ils se donnaient le nom de mahgrâyê, et ils appelaient leur religion la loi mahgra. C’est pourquoi ils ont du aussi renommer la ville de l’émigration d’un nom en araméen et non en arabe. Pour valider cette conjecture, il faut trouver un texte rédigé peu de temps après les faits, qui indique la raison du choix du nom Médine.
La Chronique du Khûrzistân
Précisément, un tel texte existe, la Chronique du Khûrzistân, écrite par des Nestoriens de Perse [5], vers 660, une trentaine d’années après le changement de nom. Etant chrétienne, elle est restée à l’abri des destructions qui ont fait disparaître tous les textes musulmans originaux Cette chronique indique les deux dénominations, Yathrib et Médine et dit que la seconde dérive du Medân biblique [6] :
"Appartient de même aux Tayyaïé Médine, qui a pris son nom de Medân, le quatrième fils de Qetura. On nomme aussi (cette ville) Yathrib."
Une autre tradition non musulmane indique aussi que le nom de Médine vient de Medân. Elle est attestée au onzième siècle par Bar Hebraeus, qui écrit [7] :
"La ville de Yathrib, ou de Madiân… (a été nommée ) du quatrième fils qu’Abraham eu de Qetura."
Certains peuvent s’étonner, pensant qu’Abraham ne fut marié qu’à Sara. Ce n’est pas exact [8].
Cela laisse une question ouverte : le nom choisi par les nazaréens de Mahomet devrait avoir un sens symbolique. Or, Medân n’en a pas. Sa vie est totalement inconnue.
Les coutumes juives en matière de symboles
Comme de nombreux juifs de toutes les époques, les nazaréens considéraient que le passé était une préfiguration du futur. Ainsi Joseph ben Yo’ezer, le premier théoricien du messianisme, considérait qu’il était un nouveau Jéroboam, et que Jason, le Grand Prêtre en exercice, était un nouveau Salomon, un idolâtre exposé à la sanction de Yahvé. De même, les nazaréens pensaient que le Christ était un nouveau Moïse, et que son prédécesseur serait un nouvel Elie, etc... C’est dans leur théologie qu’il faut chercher.
L’alphabet arabe primitif
A partir de 640, date de l’invasion arabo-musulmane, les Perses utilisèrent un alphabet arabe primitif, presque sans voyelles. Le chroniqueur a écrit Mdyn. En 660, à l’époque de la Chronique du Khûrzistân, les signes représentant les voyelles n’existaient toujours pas. Les lecteurs devaient vocaliser, c’est-à-dire ajouter les voyelles en devinant. Un siècle plus tard, quand l’usage de représenter les voyelles s’est répandu, le copiste chrétien qui a ajouté les voyelles pouvait interpréter Mdyn par Medân ou bien autrement, avec d’autres voyelles. Il a choisi Medân, pour une raison que nous ne connaissons pas, ce qui a donné naissance à la tradition indiquée par Bar Hebraeus.
S’il a fait une erreur de vocalisation, il doit être possible de la retrouver : existe-t-il dans la Bible une ville ou une personne dont le nom s’écrivait Mdyn en alphabet primitif, et qui avait un sens symbolique dans le cadre de la théologie nazaréenne ?
Modîn
Effectivement il en existe une, et une seule, le petit village juif de Modîn. C’est le village d’où partit l’insurrection des Maccabées qui devait libérer Israël de l’occupation séleucide, au cours d’une longue guerre coupée de périodes de paix armée et de négociations, qui s’étendit de 166 à 140 avant notre ère. L’histoire de cette guerre, relatée dans le livre des Macchabées [9], montre ce qu’était Modîn dans la pensée juive, et dans l’esprit de ceux qui judaïsaient : le point de départ d’une guerre théologique victorieuse.
Mahomet déclarait être celui qui ouvrait le chemin au Christ en accomplissant un nouvel Exode, répétition de l’Exode de Moïse hors d’Egypte, qui devait être suivi d’une guerre théologique victorieuse. Les adeptes de Mahomet avaient accompli leur Exode et en tirèrent leur nom, les émigrés. Yathrib fut une nouvelle Modîn, en écriture arabe primitive Mdyn, d’où devaient partir de nouveaux Maccabées.
Le chroniqueur ne s’est pas étonné que les premiers musulmans aient choisi un nom biblique, et non coranique, pour la ville de leur émigration, et ne s’est pas demandé la raison de ce choix. Cela montre qu’une génération après le début de l’islam, en Perse, pas très loin du foyer initial, les traces nazaréennes étaient encore présentes, mais n’étaient plus comprises. Le processus d’occultation du passé réel et de construction d’un passé mythique était engagé, mais n’était pas achevé.
En 820, après deux siècles, le nom de Mdyn était trop enraciné pour le faire disparaître. Il parut plus facile aux commentateurs du calife de le réinterpréter plutôt que de tenter de le supprimer. C’était plus simple à mettre en place, et aussi efficace pour occulter l’origine nazaréenne.
Le nom de Mahomet
Mahomet est un prénom arabe strictement inconnu avant l’islam. Dans les siècles suivants la fondation de l’islam, ce prénom a été très utilisé par les musulmans, par imitation du fondateur, comme cela est assez souvent le cas pour les personnes célèbres. Il est ainsi probable que ce prénom ait été porté pour la première fois par le Mahomet historique. Dans ce cas, donner un nom nouveau, jusque là inconnu, implique probablement que cette nouvelle dénomination avait un sens symbolique.
Le nom de Mahomet a, d’après l’histoire califale, un sens en langue arabe : homme illustre, ou homme célèbre. Cependant, la même raison que pour Médine fait douter de cette étymologie : elle est arabe, alors qu’à l’époque où Mahomet reçut ce nom, les langues utilisées par les adeptes de Mahomet pour les usages symboliques étaient l’araméen ou l’hébreu. Il y a ainsi une probabilité élevée que le nom de Mahomet dérive de l’araméen ou de l’hébreu.
Une autre raison fait douter de l’étymologie arabe : elle n’a pas de sens symbolique, contrairement à Mahgrâyê, Mahgra et Médine. Dire que Mahomet serait un homme illustre ne renvoie à aucune théologie. Cela relève de la flatterie de courtisan, et non d’une symbolique religieuse.
Le prophète Daniel
C’est l’un des quatre prophètes majeurs du peuple juif. Les juifs de ce temps fondaient leur attente messianique sur l’analyse du livre de Daniel, et les chrétiens, nous le verrons, interprétaient eux aussi leur époque à partir de ce même prophète. On peut présumer que les nazaréens faisaient de même : le Zeitgeist, l’esprit du temps, était à l’œuvre [10].
Dans le livre de Daniel se trouve le discours d’un ange qui combat les Perses et les Romains. Dans le vocabulaire du Proche Orient à l’époque, le mot Romains désigne les Byzantins, et le mot ange vient du grec angelon, envoyé. Le texte de Daniel signifie qu’un envoyé de Dieu a combattu et vaincu les Perses et les Romains. Il préfigure Mahomet, lui aussi envoyé de Dieu pour combattre et vaincre Perses et Romains. C’est le système de pensée qui voyait dans les événements du passé une préfiguration de l’avenir.
Dans ce texte, Daniel est gratifié du titre d’ "homme des prédilections", ish hamudot en hébreu [11]. Pour transposer de l’hébreu à l’arabe, il faut remplacer ish, homme en hébreu, par son équivalent en arabe, mu, puis translittérer hamudot selon les règles habituelles entre hébreu et arabe. Le résultat est Muhammad.
Cette étymologie possède une forte charge symbolique : elle se place dans le cadre de l’esprit du temps, elle fait du porteur de ce nom un équivalent de l’un des prophètes majeurs d’Israël, un objet des prédilections de Dieu, et la victoire de l’envoyé angélique sur les Perses et les Romains préfigure celle de l’envoyé humain.
[1] Patricia Crone et Michaël Cook, op cit.
[2] François Nau, Lettre sur la généalogie de la Sainte Vierge, in Revue de l’Orient Chrétien, 1901.
[3] Patricia Crone et Michaël Cook, op cit.
[4] Sourate 9, versets 101 et 120.
[5] Nestorius devint patriarche de Constantinople en 428. Ses idées, monophysites, furent condamnées par un concile en 430, et Nestorius déposé. Ses idées se répandirent cependant, et l’Eglise de Perse les adopta vers 490. Cette Eglise fut très influente jusque vers l’an 900. Elle est aujourd’hui constituée d’environ un million de croyants, essentiellement en Irak, où elle porte le nom de chaldéenne.
[6] François Nau, Les Arabes chrétiens de Mésopotamie et de Syrie du 7ième au 8ième siècle , Paris, 1933.
[7] Bar Hebraeus, Chronique Ecclésiastique, 2, 114
[8] Genèse, 25, 1.
[9] 1 Macchabées, 2, 15 à 25 et 2, 70 à 3, 2.
[10] Ce terme, introduit par Heidegger dans la philosophie allemande, désigne l’ensemble des idées, des conceptions, des modes de pensées, des présupposés communs aux habitants d’une région, dans une tranche de temps particulière.
[11] Daniel, 9, 23 et 10, 11 et 19.
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